Bioforce mène depuis près de deux ans en Centrafrique un projet de renforcement des capacités locales à œuvrer pour la résilience des populations et la réponse aux crises. Réalisé en consortium avec OXFAM, le projet financé par le Fonds Bêkou a permis à plus de 220 organisations centrafricaines d’obtenir des formations et un accompagnement par des experts.

Parmi les associations accompagnées, l’Association Nationale La Main des Sourds et Muets pour le Travail et le Développement de Centrafrique (ANMSMTDC) contribue à l’insertion des sourds muets et à la défense de leurs droits.

Nordine Drici est formateur à Bioforce et Président de Planète Réfugiés-Droits de l’Homme. Il a accompagné l’ANMSMTDC pour le projet et s’est impliqué à travers son association pour les aider à mener des actions de plaidoyer.


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Pourquoi avoir choisi de travailler avec l’ANMSMTDC ? Comment vous êtes-vous impliqué auprès d’eux ?

Nordine DRICI – Bioforce et Oxfam pilotent des formations dans le cadre d’un projet de renforcement des capacités des organisations de la société civile. En juillet 2019, près de 50 associations de la société civile centrafricaine qui œuvrent dans le secteur de l’humanitaire et du développement ont pu bénéficier de deux sessions de formation de 5 jours sur la question du droit international humanitaire, de la protection et de la redevabilité de l’aide.

Parmi ces associations se trouvaient l’Association nationale La Main des Sourds et Muets pour le Travail et le Développement en Centrafrique (ANMSTDC). J’étais en charge de la formation, mais j’ai aussi une expertise sur les questions de la participation politique des personnes handicapées.

J’étais en contact avec Dieferson Jr. qui est le Président de cette association et Jonathan, le DRH qui est aussi interprète en langue des signes. Nous avons longuement échangé sur certains documents qu’ils avaient rédigés, notamment une note de plaidoyer adressée à la MINUSCA. J’ai pu leur proposer une note en août dernier avec des éléments d’analyse juridique de la loi de 2000 sur le handicap en Centrafrique : cette note de plaidoyer porte sur la question des droits civils et politiques des personnes handicapées, en amont des élections présidentielles prévues en décembre 2020. Une réunion a ensuite eu lieu avec l’ANMSTDC et d’autres associations de protection des personnes handicapées afin d’échanger sur le contenu de la note et recueillir les commentaires et amendements.

A qui était destinée cette note ? Quel impact en attendiez-vous ?

Après cette première réunion inter-associative, l’ANMSTDC a organisé un entretien avec l’Attaché humanitaire de l’Ambassade de France. Nous souhaitions recueillir les avis de l’Ambassade et discuter d’un soutien potentiel. L’ANMSTDC a joué un rôle très important durant cette réunion avec des éléments de langage clairs et l’Ambassade de France s’est engagée à soutenir à court terme l’ANMSTDC dans l’organisation d’un événement pour la Journée internationale du Handicap, le 3 décembre, avec les autres associations de personnes handicapées. D’autres actions sont envisagées en 2020, notamment la formation des associations handicapées à l’observation électorale, ou des missions d’échanges de bonnes pratiques pour travailler sur le décloisonnement des associations de protection des personnes handicapées.

Nous avons ensuite travaillé à un rapport alternatif sur la question des droits civils et politiques des personnes handicapées. Ce travail s’inscrit dans le cadre de l’examen de la Centrafrique par le Comité des droits de l’Homme de l’ONU qui veille au respect des dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP). Pour ce rapport alternatif, nous avons réalisé une analyse juridique du Code électoral adopté en août dernier, avec un focus sur les entraves à la participation des personnes handicapées aux processus électoraux à venir. Le document a été discuté, amendé et validé début septembre à Bangui avec plusieurs associations de personnes handicapées lors d’une réunion spécifique, en présence de deux représentants d’Humanité et Inclusion avec laquelle des actions de renforcement des capacités pourraient être envisagées sur la question des droits civils et politiques. L’ANMSTDC et quatre autres associations (dont celle que je préside) travaillant sur le handicap ont cosigné le rapport alternatif. Il s’agit de l’unique rapport sur la question de la participation politique des personnes handicapées soumis pour cet examen, d’où son importance. Il a été examiné à Genève en octobre et nous attendons les recommandations retenues. Nous l’avons soumis aussi à l’Ambassade de France et la Délégation de l’union européenne et il sera transmis à d’autres leviers d’influence comme le Programme des nations unies pour le Développement (PNUD).

Quelle perspective tirez-vous du travail mené avec l’ANMSTDC ?

L’ANMSTDC peut jouer un réel rôle moteur sur la question du handicap, au-delà de la question des sourds et muets. L’ANMSTDC a réussi, en moins de 2 semaines, a organisé deux réunions inclusives avec 6/7 autres associations en charge du handicap, avec des réunions très informatives sur les difficultés rencontrées par les personnes handicapées dans leur quotidien, la rédaction de minutes de réunion, et la fixation de points de suivi pour les prochaines réunions. Je pense que la création d’une plateforme d’échange informelle qui serait pilotée par l’ ANMSTDC permettrait de redonner du souffle aux associations en charge de la protection des personnes handicapées, et au-delà de la question des droits civils et politiques.

Quel est votre rôle auprès de l’ANMSTDC aujourd’hui ? Continuez-vous à assurer un rôle auprès de cette association aujourd’hui ?

Je reste en soutien à distance pour la préparation de la journée du 3 décembre, et pour le plaidoyer à développer, notamment auprès des Nations unies. J’ai pu mettre en contact l’association avec une journaliste de RFI qui travaille spécifiquement sur la question des droits de l’Homme. Je prévois également une formation à l’observation électorale pour les associations de protection des personnes handicapées, sous réserve de l’obtention de financement pour mener cette action de formation. L’ANMSTDC a besoin de soutien et d’un suivi pour la construction d’une stratégie de plaidoyer (avec des outils et des techniques spécifiques) : cela passe idéalement par la mobilisation de l’experte indépendante des Nations unies sur les droits de l’Homme en Centrafrique et de la Rapporteure spéciale des Nations unies sur le handicap.

L’ANMSTDC pourrait à terme témoigner de son travail et notamment des éléments développés pour le plaidoyer sur la protection des droits fondamentaux des personnes handicapées.


EN SAVOIR PLUS SUR LE PROJET
En RCA, œuvrer pour la résilience des populations et la réponse aux crises
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Un projet géré par Bioforce en consortium avec Oxfam, en partenariat avec l’ACFPE et le LERSA, financé par le Fonds fiduciaire de l’Union européenne pour la République centrafricaine « Fonds Bêkou ».

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