Erwan, Jean et Olivier  sont tous trois diplômés Bioforce. Les deux premiers se sont engagés en 1995, à une époque où “ce n’était pas encore un métier, c’était de l’aventure, c’était vivre quelque chose de fort, un engagement.” Olivier, 12 ans plus tard, revendique, lui, “un vrai choix d’en faire mon métier et une expérience professionnelle conséquente”. La professionnalisation de l’humanitaire est passée par là. Deux générations, trois parcours, mais un moment fondateur : Bioforce.

Amis depuis le lycée, Erwan et Jean se suivent en IUT de mécanique générale et partagent le même projet de vie professionnelle à l’étranger au service de projets techniques. Mais sans expérience professionnelle, ils savent que cette ambition a peu de chances d’aboutir. En fouillant, ils repèrent Bioforce : “elle nous semblait atypique et pouvoir constituer le sésame pour travailler à l’étranger”. En 1995, ils sont les plus jeunes de la seule formation que propose Bioforce à cette époque, Logisticien de la solidarité internationale : “la formation était très hétéroclite, ça allait de démonter un moteur à des notions de géopolitique”. Ils rejoignent le Comité d’Aide Médicale au Sénégal, “à l’époque il y avait beaucoup de ces petites ONG, qui donnaient leur chance à des gens peu expérimentés, mais motivés, engagés et formés à Bioforce”. Dans ce moment de boom des petites ONG, la demande d’expatriés est forte : Jean part en Russie, Erwan en Bosnie. Puis ils rejoignent Première Urgence (PU) en Irak, évoluent vers des postes de coordination et de chef de mission, avant d’enchaîner les missions exploratoires et d’ouverture de mission autour du conflit libérien, au Kosovo, en Erythrée, en RDC. Après un passage à la Sorbonne (ensemble encore !) et quelques années sur le terrain, ils rejoignent plus longuement les sièges parisiens : Jean au sein de PU, Erwan d’Aide Médicale Internationale dont il devient directeur général avant d’en conduire la fusion avec Première Urgence en 2011. Leurs chemins sont à nouveau réunis et Première Urgence Internationale est née.

Après un parcours Droit et Sciences Politiques qui le mène en DEA, Olivier fait une pause et part pour de longs voyages où ils rencontrent d’anciens élèves de Bioforce. A son retour en 2007, il choisit d’y postuler pour l’insertion professionnelle et le lien avec le secteur humanitaire affichés par l’école : “Un choix pragmatique d’accès à un travail à l’étranger, immédiat et sécurisé. Il y a une réalité concrète entre ce que propose l’école et ce qui se fait sur le terrain”. Trois semaines après sa fin de formation, il est coordinateur terrain en RCA pour l’association Triangle Génération Humanitaire (TGH) : “je recherchais l’efficacité, on peut dire que je l’ai obtenue”. Basé ensuite plusieurs années au Liban où il s’investit auprès d’associations locales tout en menant des missions d’évaluation pour TGH, il rejoint finalement le siège de Première Urgence Internationale fin 2011, avant d’en prendre la direction des opérations en 2018.

Pour Jean, “on parle de deux époques qui n’ont rien à voir. La formation était différente, mais le contexte aussi : on se confrontait à des crises humanitaires de très grande ampleur, avec le conflit en ex-Yougoslavie en 91 et le Rwanda en 94. C’est l’explosion de l’ère de la professionnalisation, et Bioforce nous montrait l’étendue des métiers, des expertises qu’on allait devoir acquérir dans les années à venir pour sans doute mieux répondre à ces crises majeures.” Erwan confirme : “C’était un secteur encore idéalisé avec l’image très ancrée des French Doctors. Les métiers étaient assez peu définis, on ne savait pas trop à quoi s’attendre sur le terrain. Bioforce permettait d’être vraiment sensibilisé. On ne considérait pas que l’humanitaire était un métier, on voulait simplement partir à l’étranger faire quelque chose d’utile. On ne se projetait pas sur du long terme, et les conditions de départ sur le terrain ne favorisaient d’ailleurs pas cette projection, c’était quasiment du bénévolat.” Douze ans plus tard, Olivier se souvient que cette question du statut (volontaire-salarié) est abordée dès la formation, et posée aux ONG lors du Forum des Acteurs de la Solidarité Internationale : “on est déjà dans ces revendications-là car on a fait un choix de carrière”.

Si l’époque est différente, le temps passé à Bioforce reste marquant pour chacun d’eux et tous trois évoquent un “moment fondateur” : pour Jean, “c’est Bioforce qui m’a fait connaître ce monde et convaincu de m’y engager.  Un moment fondateur, mais aussi une expérience et une sensibilisation à un monde nouveau.”  Olivier garde un souvenir “d’intensité, dans le travail, dans les relations avec les autres élèves, beaucoup de projets en commun, des moments inclusifs avec les applications terrain, des projets transversaux en application de solidarité locale… Le souvenir d’avoir travaillé énormément et d’avoir vécu énormément. Un moment d’intensité réussi, six mois de formation qui me font basculer, car 12 ans plus tard c’est toujours mon activité. C’est un moment fondateur clé.”